Seulement deux ans après la sortie de la DB11 V12, qui partait d’une feuille blanche et succombait aux turbos, cette évolution AMR la remplace. Au programme : 639 chet 334 km/h ! Et une philosophie plus « Racing » ? Par Julien Diez
Avec l’appellation Racing, on imagine que la GT 2 + 2 peut s’éclater sur circuit sans se ridiculiser… On peut toujours rêver, non ? Euh, eh bien non.
2019 Aston Martin DB11 V12 AMR
Aston appuie sur avance rapide… Très, voire trop rapide ! Avant, la durée de vie des modèles oscillait autour de quinze ans. Aujourd’hui, ils ne cessent d’évoluer. « Nous sommes en rélexion permanente. Après le lancement de la V8, nous voulions rappeler que la V12 existe encore ! L’AMR hérite par exemple de ses évolutions en matière de suspension », explique Matt Becker, ingénieur en chef. « Nous sentions que le V12 pouvait accroître son potentiel sportif, tout en respectant totalement le statut de GT de la DB11.
Il consolide sa réputation de futur collector », ajoute Andy Palmer, président de la marque. Oficiellement, l’exercice consiste donc en un repositionnement face à la V8. Entre les lignes, on se demande plutôt si le développement initial n’a pas été écourté et si la copie ne méritait pas quelques corrections. En deux ans, il s’est tout de même écoulé 4 200 V12, malgré la sortie de la V8 en 2017 et l’annonce du cabriolet Volante, uniquement en V8.
Avec l’appellation Racing, on imagine que la GT 2 + 2 peut s’éclater sur circuit sans se ridiculiser… On peut toujours rêver, non ? Euh, eh bien non. La philosophie de cette branche Performance, née en 2017, tient plus des créations SVO Jaguar Land Rover que des extrémistes RS Porsche. Elle table sur la puissance (639 ch) et la vitesse (334 km/h) plutôt que sur l’agilité, étant donné la masse élevée (1 870 kg annoncés !).
Halte à la maltraitance
Une DB11, même siglée AMR, se conduit donc avec des gants et supporte mal la maltraitance sportive. La suspension est pourtant raffermie : les amortisseurs pilotés Bilstein sont raidis de 10 % et leur pilotage afiné, la barre antiroulis avant forcit de 0,5 mm… En sus, les masses non suspendues s’allègent de 13,5 kg grâce aux jantes forgées et les aides à la conduite sont peauinées. Matt Becker promet davantage de « connexion » .
Ces belles paroles ont du sens quand on a œuvré chez Lotus. C’est sûr, ça le change de mettre au point des enclumes ! Le sourire aux lèvres, il préfère parler de challenges et insiste sur le fait qu’une Aston se doit d’être rafinée. Dès les premiers kilomètres, on ressent un lottement de suspension typique, moins marqué qu’à bord d’une DB9 ou d’une Vanquish.
La DB11 a tendance à s’avachir en courbes, en mode normal baptisé GT. Pourquoi pas, si en contrepartie le iltrage est digne d’un salon roulant. Loin de là, il n’a rien à voir avec celui d’une Bentley Continental GT et fait ressentir les irrégularités. « Connectée ! » Certes Matt, mais un peu trop sur le bosselé de la part d’une super GT.
Sur cette évolution AMR, les retouches se cantonnent à quelques éléments sombres. Rassurez-vous, les bandes fluo sont facultatives.
TECHNIQUE
Moteur : V12 biturbo
Cylindrée : 5 204 cm3
Puissance maxi : 639 ch à 6 500 tr/mn
Couple maxi : 71,3 mkg à 1 500 tr/mn
Régime maxi : 7 200 tr/mn
Transmission : aux roues AR, 8 rapports auto
Antipatinage/autobloquant : de série/de série
Poids constructeur : 1 870 kg
Rapport poids/puissance : 2,9 kg/ch
L – l – h : 4 750 – 1 950 – 1 290 mm
Empattement : 2 805 mm
Voies AV/AR : 1 588/1 557 mm
Pneumatiques AV & AR : 255/40 ZR 20 & 295/35 ZR 20
Carburant : 78 l
Prix de base : 220 432 €
PERFORMANCES ANNONCÉES
V. max : 334 km/h 0 à 100 km/h : 3’’7
Les eluves de cuir donnent le tournis ! L’habitacle est recouvert de matières nobles. Mais cherchez l’erreur… Des commandes Mercedes s’immiscent dans cet écrin.
ESSAI Aston Martin DB11 AMR
Le mode Sport+ reste raisonnable en compression et verrouille davantage la caisse. On apprécie alors l’équilibre dans les grandes courbes et une direction informant des éventuels débordements. La consistance variable se densiie à outrance en Sport+ et mieux vaut se cantonner au Sport. Bref, au travers du volant « carré », disons original, le toucher de route reste convenable… de la part d’un coupé imposant, loin d’être « Racing ».
De là à envisager une conduite bad boy, il ne faut pas exagérer. La lady, vivante et coupleuse, sature rapidement et réclame de la douceur pour éviter tout débordement. Le travail des pneus dédiés Bridgestone Potenza S007 est tout de même appréciable sur le sec, comme celui de l’autobloquant. Quant aux aides, elles sont castratrices en mode normal et deviennent supportables en Track, mais l’angle de dérive autorisé est limité.
La bonne nouvelle, dans cette histoire AMR, ce sont les freins. Elle embarque pourtant un dispositif en acier (Brembo), mais qui a résisté sur les routes vallonnées des alentours de la Nordschleife, malgré de fortes sollicitations. Inespéré, vu les contraintes, entre la force du V12 biturbo et la masse à stopper.
Record de vitesse
Les amateurs du fameux V12 atmo d’antan, très souple, à la voix cristalline et émouvante dans les tours, risquent de faire grise mine. Point de bloc AMG à l’horizon, la DB11 AMR continue de faire appel au 12 cylindres « downsizé » maison. Les guillemets s’imposent puisqu’après diminution de la course, ce bloc à injection classique (dont un banc de cylindres se désactive à faible charge) cube 5,2 litres.
La réduction de cylindrée est compensée par deux turbos à double entrée Mitsubishi, dont la pression maxi est ici relevée à 1,7 bar, dans le but d’atteindre 639 ch. Le couple maxi, lui, stagne à 71,3 mkg mais il s’obtient sur une plus large plage. Pauvre train arrière, pas le temps de soufler ! Mais il s’en sort bien, sur le sec. Le V12 tambourine dès 2 500 tr/mn et claironne jusqu’à 7 200 tr/mn, malgré la suralimentation.
Ce qui laisse une belle marge de manœuvre pour se délecter. Les montées en régime sont plutôt lissées, mais très, très intenses. Si la sonorité grognante et relativement grave tranche avec le passé, il en va de même en termes de mise en vitesse. Adieu les envolées lyriques, mais ce V12 déménage. Au point de faire bondir la lourde GT de 0 à 100 km/h en moins de 4’’0, selon Aston. Etant donné l’absence de launch control et l’abondance de couple, ce chiffre paraît peu crédible.
Précisons que la boîte auto ZF à huit rapports est reconduite et recalibrée : temps de passage, modes sportifs. Elle convainc en usage routier, même si la gestion n’est pas aussi ine qu’escompté et a parfois du mal à s’adapter aux changements de rythme. C’est vrai, cette lady est bourrée de petits défauts sportifs. Bizarrement, ils ont tendance à se faire oublier lorsque l’on goûte à la force inépuisable du V12, y compris à très haute vitesse.
Un détour par les Autobahn prouve que cette Aston dépasse largement les 300 km/h… Une fois n’est pas coutume ! Le constructeur table sur une vitesse maxi de 334 km/h, ce qui hisserait l’AMR au sommet de la gamme actuelle. L’affaire mérite d’être creusée. Gaz ! La 6e s’enclenche à 268 km/h compteur. La progression est étonnante, même à ce niveau. L’enthousiasme retombe en raison de la stabilité et du lottement cités plus haut, guère rassurants.
Un semi-remorque pointe à l’horizon sur la double voie. La prudence s’impose et l’accélérateur est relâché à 329 km/h compteur (voir la vidéo sur notre site). Oui, cette anglaise se sent pousser des ailes, mais quelle que soit la situation, elle mériterait d’être mieux suspendue. Même si le ressenti et le confort tendent vers la catégorie « petite GT », elle s’en éloigne sur le plan dynamique en raison de sa masse et demeure taillée pour les vols long-courriers.
Par rapport à la concurrence citée par le constructeur, elle ne peut lutter contre les Portoino et 911 Turbo S en agilité, et se rapproche davantage d’une Continental GT, en moins tendre et enveloppé. Au inal, l’élément le plus perturbant de cette DB11 réside en son appellation, qui n’a rien de Racing.
L’AVIS DE JULIEN DIEZ
La DB11 AMR se révèle très attachante par ses courbes (quasi inchangées), son V12, son équilibre et ses performances. Mais mieux vaut éviter de la maltraiter, en raison de la masse élevée et de réglages de suspension hésitants. L’appellation Racing paraît donc ici inappropriée.