Il y a 50 ans, cette Mustang 390GT Fastback partageait la vedette du film Bullitt avec Steve McQueen. Elle est désormais de retour.
L n’y a pas grand-chose de logique dans l’histoire de cette Ford Mustang GT Fastback 1968 et dans l’amour que lui portent les propriétaires. Elle semble tout droit sortie de l’imaginaire d’un scéna- riste de Hollywood. C’est donc là qu’il faut com- mencer. À la fin des années 60, la ville du cinéma était au sommet de sa puissance, les producteurs faisaient fortune et dépensaient toujours plus d’argent pour lancer le dernier blockbuster, alors que les stars étaient vénérées et leur comporte- ment (dans la vraie vie) rarement atténué par des attachés de presse.
En 1967, Steve McQueen était un acteur de 37 ans au succès immense, déjà rendu célèbre par la spec- taculaire scène à moto de La Grande Évasion (1963). Il était avide de courses, que ce soit en voi- tures ou à moto, et propriétaire de sa propre mai- son de production, Solar Productions, qui sortira le film culte Le Mans en 1971.
Au même moment, le réalisateur anglais Peter Yates s’était fait un nom avec les courses-pour- suites de ses films. Il était l’homme derrière Le Saint et le film Trois milliards d’un coup (1967).
Ce dernier comprenait une poursuite de 15 minutes qui a tellement impressionné l’écrivain Alan Trustman que celui-ci a choisi Yates pour réaliser un nouveau film pour Solar, basé sur une nouvelle de 1963 appelée Silence de Mort. Le film, Bullitt, avait pour vedette Steve McQueen dans le rôle de l’inspecteur fictif Frank Bullitt,
inspiré par l’inspecteur Dave Toschi du SFPD. La covedette était une Ford Mustang 1968 couleur Highland Green.
Bullitt est sorti en salle le 17 octobre 1968, est deve- nu un hit du box-office et a remporté l’Oscar du meilleur montage. Ce qui rend le film si spécial, c’est la course-poursuite qui commence à 1h05 et qui dure près de 11 minutes. On y voit la Mustang de McQueen prise en chasse par des tueurs au Volant d’une Dodge Charger R/T. Elle commence à l’angle de Columbus et Chestnut dans le quartier de Fisher- man’s Wharf, à San Francisco, se poursuit dans Hyde et Laguna Street, puis dans Filbert et University Street avant de finir hors de la ville, à Brisbane, sur la Guadalupe Canyon Parkway.
Le tournage s’est achevé en juin 1968 et une fois les devoirs promotionnels achevés, la Mustang de Bul- litt a disparu et est devenue la voiture de film la plus recherchée des 50 années qui ont suivi. Au dernier salon de Detroit, en janvier 1968, Ford a dévoilé la Ford Mustang GT “Bullitt” 2019 aux côtés d’une surprise : la voiture originale de McQueen, qui a re- fait surface après s’être longuement cachée dans une grange du Tennessee. Et maintenant, me voilà en Floride à la rencontre de Mark Gessler, le président de l’Historic Vehicle Association et de Sean Kier- nan, le jeune propriétaire de la Ford Mustang GT Fastback 1968 Highland Green non restaurée, avec son V8 390ci et sa transmission manuelle à 4 rap- ports, celle que McQueen conduisait dans le film.
« Tout d’abord, il faut clarifier un point : deux Mustang identiques ont été utilisées pour le tour- nage, explique Sean. Elles ont été commandées par le distributeur du film, Warner Brothers, dans le cadre d’un contrat promotionnel, et livrées à l’agent Ford de San José, Californie. À l’origine,
Ford a aussi prêté deux berlines Galaxie pour les méchants, mais les voitures étaient trop lourdes pour les sauts, alors une paire de Dodge Charger à moteur V8 440 Magnum ont été trouvées à la place. Les numéros de châssis des deux Mustang étaient 558 et 559, ce qui est inhabituel, car sur une voiture de grande série, même en passant com- mande en même temps, on ne reçoit que rarement des voitures avec des numéros qui se suivent. Après livraison, mais toujours pas immatriculées, les deux voitures furent envoyées à l’atelier de Max Balchowsky pour modifier leurs suspensions. 558 a été sélectionnée pour être la voiture des cascades, celle qui ferait les grands sauts, alors que 559, la mienne, a été préparée pour les séquences de conduite, aux mains de McQueen. »
Steve McQueen aurait évidemment adoré faire lui- même les cascades, mais les contraintes d’assurance l’en ont empêché et, tout comme pour le saut à moto dans La Grande Évasion, c’est Bud Ekins qui s’en est chargé. Pour savoir qui conduit, il faut re- garder le rétroviseur : quand McQueen est au vo- lant, on voit son visage s’y refléter, sinon le retro pointe dans une autre direction.
« Le châssis 558 a été considérablement abîmé du- rant le tournage et il fut ensuite radié, mais il a été découvert au printemps 2017 dans une casse au Mexique, profondément modifié, indique Sean. Il avait le bon numéro de châssis, mais il ne restait plus grand-chose de la voiture d’origine. Le châssis 559 a été “rafraîchi” après le tournage et utilisé lors d’une tournée promotionnelle. Beaucoup ont cru qu’il s’agissait d’une 3e voiture identique. »
Une fois la tournée achevée et après avoir parcouru environ 1500 km, 559 fut vendue en 1969 à Robert Ross, un scénariste de la Warner Bros. Un an plus tôt, elle était proposée dans le LA Times à 6000 dol- lars, alors que la cote était plutôt à 3000 dollars et elle fut achetée par l’inspecteur Frank Marranca du New Jersey. Coïncidence, dans Bullitt, Mc- Queen jouait un policier italo-américain pré- nommé Frank. Marranca a acheté la voiture sans la voir et elle lui fut livrée par train depuis la Californie. Il l’a conservée jusqu’en 1974, puis a passé une petite annonce dans Road & Track, la décrivant comme la voiture de Bullitt, avec 30500 km au compteur et de nouveau un prix de 6000 dollars.
Robert Kiernan habitait à une heure de là. Il avait déjà possédé une Alfa Romeo Spider puis une MGB GT et cherchait désormais une grosse muscle car. Il a parcouru R & T et est tombé sur l’annonce. Son fils, Sean, raconte la suite : « Mon père était courtier d’assurances et il adorait les voitures. Il est allé voir la Mustang, exactement le modèle qu’il cherchait et, si l’his- toire la liant à Bullitt le rendait sceptique, elle était en super état et il l’a achetée. De 1974 à 1980, la Mustang fut la voiture de tous les jours de la famille, la seule que nous avions. Elle était utilisée par papa mais aussi par maman, qui était prof, pour aller à l’école. En 1980, après 58000 km, un ressort d’embrayage cassé et un peu de rouille, ils ont laissé la Mustang au garage. Elle n’était pas pratique au quotidien, mais ils ne voulaient pas s’en séparer. Puis je suis arrivé dans leur vie, en 1981 ».
À ce moment, Kiernan n’avait plus de doute sur la connexion avec Bullitt et pour cause : en 1977, Steve McQueen avait fait irruption, vou- lant racheter sa vieille compagne à l’écran.
« Bien plus tard, quand mon père et ma mère m’ont parlé de la voiture, ils m’ont montré une lettre de McQueen, raconte Sean. Il les a contactés via le second propriétaire, d’abord par téléphone puis par un courrier qui est tou- jours dans la voiture. Mais ils considéraient déjà la Mustang comme un membre de la fa- mille et ne l’auraient jamais vendue. »
Quand les Kiernan ont déménagé du New Jer- sey au Kentucky en 1984, la voiture resta dans le garage des grands-parents de Sean. En 1989, le magazine Mustang Monthly publia un article sur une voiture se vantant d’être celle du film.
« Mon père a écrit une lettre au rédacteur en chef avec quelques documents, prouvant que la voiture du magazine étant une fausse et deman- dant à ne pas être nommé. Les informations furent publiées sous le pseudonyme “John” et l’identité de mon père ne fut pas révélée. » L’effet secondaire de l’article, c’est que Sean a découvert le secret de famille. « J’avais 8 ans quand il a été publié et papa, maman et moi nous sommes assis autour de la table et ils me l’ont dit. Ils m’ont demandé de garder le secret. Peu de temps après, un ami de Papa l’a emmenée dans le Sud sur une remorque ouverte, sans que personne ne la remarque, et nous avons passé la journée à net- toyer le garage où elle serait garée par la suite, der- rière une Porsche 911 1975 verte. »
« Quand la Mustang est arrivée, elle avait exacte- ment la même allure qu’aujourd’hui, à l’exception du pare-chocs et du bouclier avant. Ces deux pièces furent abîmées par mon papy lorsque la voiture était dans son garage, et lorsque la voiture fut présentée à Detroit nous nous sommes entendus pour les rem- placer par de nouvelles pièces. »
En 1994, la famille déménagea en Floride et la Mustang fut déplacée. « Quand nous avons déménagé, nous avons remisé la voiture dans le garage d’un ami, car cela aurait été trop risqué de la laisser seule dans une maison vide. En mars 1995, quelqu’un s’est introduit dans le garage, a pris quelques photos et a cambriolé le couvercle de filtre à air. Il a essayé de les vendre au même type qui, en 1989, avait écrit l’article. Papa fut alerté et des avocats engagés. Gar- der la voiture en sécurité était devenu une affaire de famille. Nous avons déménagé à Nashville et la Mustang fut la première à rejoindre la nouvelle mai- son. Quand nous discutions de son futur, nous sa- vions que nous ne voulions pas la restaurer. Mais quand Papa a pris sa retraite en 2011 et que Ford a lancé la première Mustang Bullitt commémora- tive, nous avons commencé à démonter quelques pièces pour les rafraîchir. Peu de temps après, Papa a développé la maladie de Parkinson, j’ai commencé à bâtir ma propre famille et le projet s’est arrêté. » C’est là que Samantha Kuron entre en scène. Elle vient de Détroit et bien des membres de sa famille ont travaillé chez Ford, surtout sur la Mustang. Sa- mantha conduisait sa propre Mustang 2009 quand elle a rencontré Sean, mais ne savait rien du secret de famille jusqu’à ce qu’il la demande en mariage.
« C’était presque effrayant quand ses parents m’ont appelé pour une réunion, témoigne-t-elle. Ils étaient très sérieux lorsqu’ils m’ont dit devoir me parler et je ne savais pas à quoi m’attendre. C’était en 2011, ils m’ont révélé le secret de famille et je ne pouvais pas y croire. J’ai dû promettre de n’en parler à personne et, plus difficile, même pas à ma famille, pendant si longtemps mais j’ai tenu parole. »
Alors que la voiture était encore en morceaux, Bob Kiernan est décédé en 2014 à l’âge de 66 ans. « Je suis resté avec la voiture et le secret, explique Sean. En novembre 2015 nous nous sommes mariés et mon patron (je travaille dans un atelier specialize dans la restauration de Ford Mustang) m’a parlé de son idée d’écrire le scénario d’un film parlant de deux gamins qui trouvaient la voiture. Il n’avait au- cune idée que je la possédais et quand je le lui ai dit, le tout premier à le savoir en dehors de la fa- mille, il a piqué une crise. En janvier 2016, je suis allé lui montrer la Mustang et sa réaction m’a mo- tivé à la remonter. Il n’y avait pas grand-chose à faire, si ce n’est changer l’échappement, les freins, les tapis, et nettoyer l’intérieur, mais j’ai conservé le moindre écrou. »
En travaillant sur la voiture, Sean remarqua les mo- difications faites pour le film : « En plus du trou à l’intérieur du passage de roue arrière gauche pour envoyer de la fumée quand les roues patinaient,
il y a des fixations de caméras partout. C’est celle que McQueen conduisait sur environ 95 % de la poursuite et dans le reste du film ». Sean décida de dévoiler la voiture et contacta Ford. « Les diri- geants étaient sceptiques, alors ça leur a pris du temps pour venir la voir. C’est arrivé en no- vembre 2016 et peu de temps après, j’étais en réu- nion à Dearborn avec leur équipe presse et marke- ting. Alors que je leur racontais l’histoire, je ne pouvais m’arrêter de penser à Papa. » L’importance de la Mustang de Bullitt ne concer- nait pas que Ford. L’Historic Vehicle Association (HVA), dirigée par Mark Gessler, est la branche américaine de la Fédération Internationale des Vé- hicules Anciens (FIVA). Quelques années plus tôt, l’HVA a commencé à répertorier les voitures les plus importantes des États-Unis pour la Biblio- thèque du Congrès, les traitant comme des œuvres d’art, et l’organisation soutient maintenant Sean.
« McKeel Hagerty (le juge de Pebble Beach et le PDG de la célèbre compagnie d’assurances de voi- tures de collection portant son nom) m’a parlé de la voiture lorsque sa société a été approchée pour l’as- surer, raconte Mark. La découverte de cette voiture était la réalisation d’un rêve, car c’est le Saint Graal des muscle cars américaines. L’un des aspects les plus difficiles fut d’obtenir l’attention de Ford. Per- sonne ne croyait vraiment Sean et nous avons dû demander l’aide personnelle d’Edsel Ford. »
« Quand ils sont allés voir la voiture, ils ont vérifié la moindre pièce et tous les papiers. Alors, Ford déci- da d’accélérer le développement et le lancement du nouveau modèle pour qu’il soit près pour début 2018, le 50e anniversaire de la sortie du film. » Cette idée fut ce qui persuada réellement Sean de dévoiler la voiture au Salon de Detroit.
« D’un point de vue personnel, c’est bien aussi pour la HVA, car pour la première fois, nous ne parlons pas seulement aux passionnés de voitures, mais à tout le monde, puisque nous racontons l’histoire d’une famille normale avec leur voiture familiale. » Je me rappelle encore l’expression de surprise de Molly McQueen, la petite-fille de Steve, quand elle a vu la voiture en vrai et comment, malgré tout le camouflage utilisé pour masquer sa forme durant la préparation du stand Ford de Détroit, l’un des membres de l’équipe de montage a immédiatement compris de quelle auto il s’agissait.
« Lorsqu’elle fut dévoilée, le 14 janvier, ce fut un moment incroyable, car il a fallu un certain laps de temps pour que le public comprenne ce qu’il voyait sur scène. Ce n’était pas une réplique, mais la véri- table voiture de Bullitt, et elle est immédiatement devenue la star du salon. Nous avons appris plus tard que par coïncidence le “vrai Frank Bullitt”, l’inspecteur Toschi, était mort huit jours plus tôt à l’âge de 86 ans. Désormais, avec l’aide de Sean, nous présentons la voiture dans tous les USA. » Sean réfléchit à ce qu’il voudrait faire de la Mustang, et pour le moment, un musée semble la meilleure option. C’est en pensant à cela que nous nous tour- nons vers la voiture, une star de cinéma cinquante- naire. Le son de ce V8 au ralenti ! À peine je l’en- tends que les scènes du film me reviennent à l’esprit. C’est avec une certaine émotion que j’observe les bosses et les éraflures laissées par les années. À bord, c’est une vraie machine à remonter le temps. Les ta- pis sont neufs, mais tout le reste n’a pas changé depuis que le “King of Cool” y passait ses journées de travail. Même le morceau de scotch placé par la pro- duction sur le compte-tours pour lui indiquer la zone rouge est encore là, intact !
Sean prend le volant. « J’ai une Mustang moderne et j’ai conduit beaucoup d’anciennes, mais quand je conduis celle-là, j’ai toujours l’impression de piquer la voiture de papa. Je l’ai démarrée pour la première fois le 4 juillet 2016, après l’avoir emmenée chez Ford et installé un jeu de pneus Firestone au dessin ancien. Cette voiture est solide comme un roc et on le sent, car la suspension est plus ferme que d’habi- tude. Elle est plus haute aussi, ce qui change les sen- sations au volant à cause du centre de gravité plus élevé et parce qu’elle est environ 70 kg plus lourde qu’une Mustang standard. Elle freine bien, mais je ne roule jamais à une vitesse qui pourrait mettre le freinage à mal. Le levier de vitesse a été changé par le second propriétaire et nous l’avons gardé tel quel, comme le volant, car personne ne sait ou ceux d’ori- gine ont fini. La plaque “Bullitt” est une vraie, un cadeau de maman à papa acheté en 1979. »
Nous nous promenons alors que j’essaye d’observer mon visage dans le même rétroviseur que celui où se reflétait celui de McQueen, impressionné par le bruit se réverbérant dans l’habitacle. Je Remarque que le panneau d’isolation du plafond a disparu.
« Je l’ai, me répond Sean, mais je ne l’ai pas encore remis en place, parce que le son est si bien… Et je n’ai plus besoin de cacher la voiture, je veux en pro- fiter un peu ! »
Et nous sourions tous deux en pensant à sa mere arrivant à l’école avec sa Mustang. “Queen of Cool”. n
S’asseoir là où Steve McQueen s’asseyait dans sa Mus- tang est indiscutablement un moment spécial. D’un côté, ce n’est qu’une Mustang ’68 usée à mort, mais de l’autre c’est LA voiture… Je me rappelle la première fois que je me suis assis dans une Aston Martin DB5. On ne peut s’empêcher de se prendre pour James Bond. C’est exactement la même chose avec cette voi- ture. C’est celle que Steve McQueen conduisait dans Bullitt et vous devenez immédiatement Steve Mc- Queen, commencez à chercher les Dodge Charger et les gens qui vont essayer de vous tuer.
Soyons honnêtes, cette voiture a été molestée. Elle ne se conduit pas comme n’importe quelle voiture vieille de 50 ans. Elle se conduit comme une voiture vieille de 50 ans qui n’a pas connu d’entretien en plusieurs décennies. Même si elle a un V8 390, elle n’est pas particulièrement rapide. Les pneus semblent avoir 20 ans, dans le premier virage venu elle commence à glisser, mais c’est amusant. Nous avons tourné une vidéo avec la voiture de McQueen et la Mustang Bullitt de 2018 sur le circuit d’essai Ford de Dearborn, dans le Michigan. Je ne l’ai pas conduite vite, mais j’ai conduit rapidement.
Son propriétaire, Sean Kiernan, était assis à côté de moi et m’a raconté son histoire (voir pages précé- dentes). Son père l’a achetée parce que l’annonce disait que c’était la Mustang de Bullitt, mais Bullitt était mal orthographié et personne ne savait de quoi il s’agissait. Le père de Sean est le seul type à avoir appelé. C’est à peine croyable quand on pense à combien cette voiture doit valoir aujourd’hui.
Même si elle est cabossée et rouillée par endroits, la Mustang démarre facilement et décolle avec vigueur. En écrasant les gaz, le V8 a du répondant. Les freins sont par contre décoratifs et on peut en dire autant du comportement, elle tend à tirer tout droit dans les vi- rages. Le 390 est un moteur gros et lourd et un 289 offrirait un meilleur comportement. Mais il est comme un vieux fusil : peut-être pas toujours très pré- cis, mais toujours capable de tuer. Cette Mustang est toujours une arme puissante.
La première fois que je passe la marche arrière, je me suis souvenu de cette scène dans le film où Mc- Queen recule et fait chanter les pneus alors que le pont souffre le martyre. Bud Ekins, qui était casca- deur sur Bullitt, m’a expliqué qu’ils ont utilisé le son d’une GT40 pour les passages des rapports. La Mustang n’est donc pas aussi sonore que dans le film, mais les silencieux sont flingués et elle émet toute sorte de bruits.
J’avais 18 ans quand Bullitt est sorti. À ce jour je ne me souviens pas de quoi parle ce film, mais je sais que c’est la meilleure course-poursuite que j’ai ja- mais vue. Aujourd’hui, on peut aller sur internet et en regarder toute la journée, mais en 1968, pour voir une course-poursuite il n’y avait que ce film. Alors, être assis dans cette voiture réveille les souve- nirs de ma jeunesse.
Il y a certains détails du film dont je me souviens. Il y a quelque chose comme cinq enjoliveurs qui se sont détachés de la voiture et ce qui semblait être la VW Coccinelle la plus rapide au monde : on la voit dans le rétroviseur de McQueen, puis après 10 km parcourus à 130 km/h, elle était toujours derrière lui. Plutôt amusant, mais ça n’enlève en rien le fait que ce soit un grand film. Je pense que grâce à lui, plein de gamins ont mis leur ceinture de sécurité, parce que quand McQueen le fait, celle-ci émet le même bruit qu’un pistolet qu’on arme. Ça fait sérieux.
J’ai rencontré à plusieurs reprises Steve vers la fin de sa vie. Il n’était plus en grande forme, son visage bouffi par les médicaments, et il était devenu reclus. Mais il était sympa avec moi et nous parlions de voi- tures, jamais de ses films.
Sa vieille Mustang faisait partie de mon enfance et de l’enfance de beaucoup de passionnés de voitures. Quand on la regarde, on a l’impression que Steve McQueen vient tout juste de la garer quelque part. C’est cool !