Le secret de la Dyna Z, avec sa carrosserie en aluminium, était son poids limité. Jon Pressnell rappelle l’histoire d’une des berlines les plus ingénieuses des années 1950. PHOTOS TONY BAKER
Panhard’s aluminium-bodied Dyna Z: futuristic marvel or white elephant?
Il fallait que ce soit une version aluminium, sinon je ne l’aurais pas achetée, précise Bernard Burckel à propos de sa Dyna Z 1955. Quand ils sont passés à l’acier, ce n’était plus une vraie Panhard. » Si vous ne connaissez pas la marque cette remarque peut vous laisser perplexe, mais l’abandon par Panhard de la carrosserie en aluminium de la Z, remplacée par de l’acier, a marqué un tournant dans l’histoire du constructeur.
Panhard s’était adapté aux réalités du marché d’après-guerre en abandonnant ses extravagants modèles de luxe à moteur sans soupapes au profit de la petite Dyna X bicylindre. Mais le dessin baroque de la X et son prix élevé empêchaient les ventes de vraiment décoller. En 1951, la meilleure année, la diffusion n’a pas dépassé 13 422 voitures.
Par comparaison, à la même période Renault écoulait 97 000 exemplaires de 4 CV . Ayant étudié le problème, Panhard a conclu qu’il était nécessaire de concevoir une voiture pouvant être produite en quantité plus importante et vendue plus cher, ce qui devait en théorie générer une meilleure rentabilité. Les contraintes financières imposaient toutefois de reprendre la mécanique existante.
De plus, pour augmenter la production, la voiture devait pouvoir être fabriquée dans l’usine de Paris, où les courtes lignes d’assemblage étaient réparties sur les trois niveaux d’un bâtiment exigu. La réponse était de réaliser une berline de plus grande taille, comparable aux Peugeot 203 et Simca Aronde. Pour que les performances soient à la hauteur tout en utilisant le petit bicylindre en alliage (dont la cylindrée passait toutefois à 851 cm3), il fallait que la voiture soit exceptionnellement légère. De plus, dans une catégorie où ce sujet était rarement pris en considération, elle devait être le plus aérodynamique possible.
Enfin, l’architecture devait s’éloigner de notions conventionnelles comme un long châssis séparé ou une monocoque intégrale, pour permettre de s’adapter aux contraintes de place de l’usine de la porte d’Ivry. C’est donc une structure modulaire qui était retenue, la légèreté étant assurée par le choix de l’aluminium. La base était une plateforme nervurée et renforcée par trois traverses tubulaires et des seuils faisant office de longerons. Sur ce plancher étaient soudés les panneaux latéraux d’une pièce, l’ensemble auvent/pare-brise et la carrosserie arrière, ne laissant à l’avant qu’un grand capot englobant les ailes.
La dernière astuce concernait les trains roulants (avec suspension avant par deux ressorts à lames transversaux et arrière par six barres de torsion reliées à un essieu rigide), installés dans deux berceaux tubulaires. Ainsi, les différents modules respectaient les contraintes de la ligne d’assemblage, les berceaux étant boulonnés à l’ensemble en fin de montage. Pour permettre au bicylindre à plat d’entraîner une carrosserie proche de celle d’une Renault Frégate, il ne fallait pas se contenter d’alléger.
Le styliste Louis Bionier avait compris l’importance de l’aérodynamique après les essais de la Dynavia (voir C & SC n° 55) et il a utilisé la même recette mêlant passages en soufflerie et tests sur route pour dessiner la Dyna. Le Cx annoncé de 0,28 peut sembler optimiste, mais il faut reconnaître que les presque 130 km/h en pointe permis par les modestes 42 ch de la Dyna témoignent de la qualité du profilage de la voiture. « Tout était logique, dans cette voiture, rappelait en 2004 Jean Panhard, directeur adjoint au moment de la Dyna.
Nous avons eu de nombreuses discussions, Bionier et moi. Nous avons défini ensemble les spécifications. D’un point de vue technique, c’était une petite révolution. Deux ans plus tard, Jean-Pierre Peugeot m’a avoué : “Quand vous avez sorti cette voiture, vous nous avez fait peur.” C’était un modèle bien conçu, en avance sur son temps. Une voiture qui frôlait 130 km/h, pesait 710 kg, offrait six places et consommait 7 l/100 km. C’était quelque chose. » Une telle innovation ne pouvait être bon marché.
En 1953, une Dyna 54 se vendait 699 000 francs, contre 625 000 francs une 203 luxe et 655 000 francs une Aronde. Pour une berline équipée d’un moteur de moins de 1 000 cm3, cela semblait cher. Et il fallait un œil plus averti pour constater que son rapport poids/puissance était à peu près le même que celui de ces deux rivales plus conventionnelles. La Panhard pesait 710 kg, contre 955 kg pour la Simca et 925 pour la Peugeot. Dans un essai de The Autocar, elle était chronométrée de 0 à 100 km/h en 26,1 s avec une vitesse de pointe de 125 km/h et une consommation de 7 l/100 km. Elle était plus rapide que l’Aronde et la 203.
Panhard avait donc l’occasion de se distinguer, mais sa berline a été presque torpillée à la naissance à cause d’une désastreuse erreur de calcul. « Quand nous avons estimé les coûts de fabrication, nous avons supposé que les chutes d’aluminium seraient récupérées par Aluminium Français au prix où nous avions acheté la tôle, reconnaissait Jean Panhard. Il y avait beaucoup de rebuts, comme avec toute autre voiture. Avec l’acier ce n’est pas très grave car c’est un matériau bon marché. Mais l’aluminium était cher. Cette erreur a entraîné un coût qui était difficilement supportable.
C’était une faute monumentale. Nous avons rapidement compris que les chutes de métal nous étaient payées près de cinq fois moins que ce que nous avions estimé. Le manque à gagner correspondait à la marge sur le véhicule. » C’est facile à croire. Panhard avait estimé qu’une carrosserie en aluminium coûtait environ 3,5 fois plus qu’une version acier. La solution était de remplacer l’aluminium par de l’acier. Ainsi, en 1956, la structure de base était réalisée en acier, mais l’aluminium était conservé pour les portes, le capot et le coffre et, en 1957, la Dyna toute entière passait à l’acier.
Elle pesait quelque 150 kg de plus et les performances en souffraient, de même que la tenue de route à cause du poids supplémentaire sur les roues arrière. Les choses s’amélioraient en 1957 avec l’adoption à l’arrière d’amortisseurs télescopiques, quelques mois après leur montage à l’avant. Malgré un moteur plus puissant à partir de 1956, la presse considérait que la Panhard avait perdu son dynamisme et se rapprochait plus d’une petite familiale sobre que d’une berline sportive. Les performances étaient plus douces et progressives et, comme l’indiquait L’Automobile, la Dyna s’était “féminisée”.
De son côté, le public ne s’en formalisait pas, d’autant que la voiture pouvait être vendue moins cher tout en restant rentable. Les ventes remontaient et la production faisait plus que doubler, passant de 18 542 exemplaires en 1955 à 37 976 deux ans plus tard. Elles retombaient un peu en 1958, la forme ronde de la voiture étant moins en vogue. D’ailleurs, en juin 1959, la Z laissait place à la PL17 qui, malgré un style avant et arrière plus agressif, conservait la cellule centrale de la Dyna et sa mécanique, la boîte de vitesses recevant un quatrième rapport. Une version “Tigre” était également disponible, dont le moteur 50 ch permettait d’atteindre vraiment 130 km/h.
Grâce à un prix plus abordable, les ventes repartaient à la hausse et la production de 1960, 34 050 voitures, correspondait à la meilleure année après 1957. En 1963, un rajeunissement esthétique s’est accompagné d’une boîte en tièrement synchronisée et d’un moteur plus puissant, à 60 ch en version Tigre. La production s’est poursuivie jusqu’en mai 1965. C’était un très bon résultat qui justifiait a posteriori la difficile décision d’avoir abandonné la carrosserie aluminium.
Pourtant, cette berline se montre aujourd’hui sous sa forme la plus pure en version tout aluminium, techniquement autant qu’esthétiquement car la ligne sobre de 1957 aurait été perturbée par les feux arrière ultérieurs, plus globuleux. Mais que vaut donc une Z aluminium au volant ? Après avoir enjambé le haut seuil de porte de la Dyna de Bernard Burckel, vous constatez à quel point l’aménagement intérieur est bien pensé.
L’espace pour les jambes est généreux à l’avant et à l’arrière, le plancher est plat et, pour augmenter cette impression spacieuse, le tableau de bord rembourré se prolonge sur toute la largeur et reçoit une nacelle portant tous les instruments. « À trois adultes à l’avant on est un peu serré, mais avec deux enfants ça va, » indique Burckel, qui utilise sa voiture pour ses déplacements quotidiens, en alternance avec une Mini et une Dauphine. Au ralenti, le bicylindre ronronne tranquillement et, en ville, il est assez discret.
Il se fait plus bruyant en accélération, avec son “rataplaratapla” caractéristique, assez présent en vitesse de croisière. Mais il ne donne jamais l’impression d’être surmené et la voiture accélère facilement, atteignant rapidement 80-90 km/h. À cette vitesse, l’ambiance n’est pas frénétique, les bruits aérodynamiques limités et deux personnes peuvent discuter sans hurler.
La souplesse est d’ailleurs surprenante : la Dyna peut reprendre en seconde presque à l’arrêt et peut rester en troisième à basse vitesse, un accélérateur ferme et un embrayage à course courte rendant la conduite agréable. La commande de vitesses au volant présente un point mort flou mais passe facilement d’un rapport à l’autre, même si l’impression n’est pas très mécanique ; le vieux “truc” d’engager la deuxième avant la première permet d’enclencher cette dernière sans craquement et
l’absence de synchro en quatrième ne gêne pas si vous marquez une petite pause au point mort. La direction à crémaillère est précise, sans lourdeur, et inspire confiance. Les jantes de PL17 à tambours ailetés assurent un freinage sans souci. « Les roues sont un peu plus petites et plus larges, et acceptent des pneus modernes, donc elles doivent améliorer la tenue de route — la voiture s’accroche très bien en virage, » affirme Burckel. Exact, même si le roulis peut devenir gênant pour les occupants en conduite rapide : la probable rançon d’un confort de bon aloi.
La carrosserie légère craque un peu sur mauvais revêtement, les versions acier étant réputées plus silencieuses, aussi bien par construction que par meilleure insonorisation. « Pour transporter toute la famille, la Dyna est merveilleuse, » affirme Burckel. Quand nous sommes partis faire du camping avec, j’ai réalisé à quel point c’était une voiture exceptionnelle.
Elle peut tenir un bon 110 km/h sur l’autoroute et couvrir facilement 800-900 km en une journée. Avec moi, elle a toujours été fiable. J’ai franchi le col du Stelvio avec quatre personnes à bord, en compagnie d’une Traction 11 Normale. La Dyna a été un peu plus rapide, tout en consommant moitié moins.
Sur les longs trajets, elle se stabilise autour de 5,9 l/100 km. » Les versions acier étaient commercialement logiques, mais on peut regretter ce compromis. La Dyna Z à carrosserie aluminium était sans aucun doute la berline de série la plus intelligente de son époque.
Encore aujourd’hui, elle impressionne par ses performances, sa facilité de conduite et sa consommation : une confirmation du bienfondé des solutions techniques retenues par ceux qui l’ont mise au point.
‘THE DYNA MANAGED 80MPH ON A PALTRY 42BHP, WHICH IS PROOF OF ITS AERODYNAMIC EFFICIENCY’