Brabham renaît de ses cendres (et s’attaque au Mans) Le lancement de la nouvelle BT62 fait beaucoup parler de lui. Sens horaire La nouvelle BT62 de circuits coûte plus d’un million d’euros. Le lancement a célébré les 70 ans de l’entreprise en compagnie d’une superbe sélection de bolides qui ont fait son histoire. Texte James Elliott.
Brabham Automotive a lancé une voiture de circuit à 1 million d’euros et s’embarque dans un ambitieux voyage pour s’engager aux 24 Heures du Mans 2020, et potentiellement lancer un modèle de route. Elle marque le retour d’un nom qui représente près de 400 GP de F1, 2 titres pilotes et 4 constructeurs, une véritable légende du sport automobile, créée par le pilote Jack Brabham et l’ingénieur Ron Tauranac, tous deux Australiens, et qui a vu évoluer en son sein des personnalités telles que Bernie Ecclestone et Gordon Murray, et a connu la gloire avec Denis Hulme, Niki Lauda ou Nelson Piquet…
Aucune date n’a été annoncée pour le lancement d’une voiture de route, mais elle sera conçue et assemblée par l’équipe qui a créé la nouvelle BT62 à Adélaïde. L’un des aspects le plus remarquable à propos de cette dernière, c’est le secret qui l’a entourée jusqu’à sa présentation à Londres le 2 mai dernier.
Cet événement coïncidait avec le 70e anniversaire de Brabham, et de nombreuses voitures historiques du constructeur avaient fait le déplacement, de la Midget Racer de son fondateur “Black” Jack Brabham à la BT19 qu’il a pilotée, ainsi que des monoplaces de l’équipe de F1 qui portait son nom. De nombreux pilotes étaient présents, tels Derek Bell ou Martin Brundle, et des messages vidéo de soutien provenant de Damon Hill, Jean Todt ou Jackie Stewart ont été diffusés.
Le développement a essentiellement été réalisé sur des circuits australiens par David et Sam Brabham. Son moteur 5,4 l atmosphérique est badgé Brabham et délivre environ 700 ch. Construite en fibre de carbone et en Kevlar, la BT62 pèse moins d’une tonne.
Pour Paul Birch, le directeur de la technologie et de l’ingénierie de Brabham Automotive : « Notre première voiture fait entrer Brabham dans une nouvelle époque excitante, tout en honorant et respectant le passé glorieux de la marque. Nous avons utilisé des matériaux, des processus et des technologies contemporains et, ainsi réalisée suivant un programme régulier de 2 ans, la BT62 est une voiture qui demande un engagement total de son conducteur, lui offrant en échange une immense satisfaction ».
Exactement 70 exemplaires seront assemblés sur commande, un chiffre qui représente la longévité de l’entreprise, et les 35 premières célébreront les victoires en Grand Prix de l’équipe. Il y a un espoir qu’un championnat spécifique soit organisé pour les BT62, mais il n’y a aucun plan concret pour le moment. Acheter une BT62 permettra de profiter du programme de pilotage Brabham.
David Brabham réagit à l’inévitable comparaison avec McLaren : « Je n’ai que de l’admiration pour cette marque et leur modèle économique. J’ai travaillé avec McLaren par le passé, en étant impliqué dans le développement et le pilotage de la F1, alors j’accepte la comparaison et j’aimerais connaître la même réussite que McLaren. Pour nous, c’est une question de courage et de croire en ce que nous faisons, et les comparaisons, on laisse ça aux autres ».
« POUR NOUS, C’EST UNE QUESTION DE COURAGE, ET DE CROIRE EN CE QUE NOUS FAISONS, LES COMPARAISONS, ON LAISSE ÇA AUX AUTRES »
David Brabham, l’interview
Pourquoi construire une GT sans limites ?
Et pourquoi pas ? Il y a 12 ans, j’étais dans la fleur de l’âge, mais je me suis demandé ce que je pourrais devenir d’ici à 10 ans. Il y avait ce nom iconique dont personne ne faisait rien… D’abord, j’ai dû récupérer les droits sur mon nom. Puis, j’ai été présenté à Fusion Capital (le groupe d’investissement qui finance le projet, NDLR) par un contact commun qui pensait que nous partagions une même vision, et tout est parti de là.
Quelle est la prochaine étape ?
Notre rêve c’est de courir et de construire une voiture de route, mais nous ne sommes pas stupides et nous savons qu’il va falloir mériter le droit d’accéder à ce niveau. Il faut que l’entreprise soit viable et tout dépendra des ventes. Nous prévoyons de courir en WEC et au Mans avec la prochaine évolution, sans doute en 2020. J’ai participé 18 fois aux 24 Heures du Mans et je sais comment gagner cette course. L’architecture de la voiture sera typée endurance, ce qui devrait nous aider.
Allez-vous la piloter au Mans ?
Ce serait super de voir Sam et Matthew, le fils de Sam, dans la voiture, et si c’est bon pour le programme et que je suis toujours au niveau, alors il y aurait la possibilité pour moi de piloter. Je ne suis peut-être plus aussi rapide, mais 54 ans ce n’est pas trop vieux pour Le Mans. L’expérience fait partie des ingrédients nécessaires.
Vu votre milieu, vous vous êtes mis tardivement au pilotage
C’est sûr. Papa ne voulait pas que je pilote et ça ne m’intéressait pas avant de voir une course de kart aux USA, quand j’avais 16 ans. À la ferme, j’avais la liberté de conduire tout ce que je voulais, à toute vitesse et en glisse dans la poussière. Je ne comprenais pas que ça me servait d’entraînement, pour moi c’était juste un jeu. Ma première course de kart s’est fi nie à l’hôpital. Je ne portais qu’une paire de jeans et un pull, et j’ai encore une cicatrice là où mon dos a frotté contre le goudron. C’est la pire blessure que j’ai connue de toute ma carrière.
N’avez-vous jamais voulu détacher votre carrière de celle de votre père ?
Si j’étais quelqu’un d’autre, ma carrière aurait connu une autre reconnaissance, mais il y avait le palmarès de Jack… Je ne peux rien y changer et je suis bien dans ma peau. Pendant longtemps, ce qu’on attendait de moi était un fardeau, tout comme l’idée qu’on se faisait que je devais mes volants à mon nom de famille. J’aurais dû remporter 4 Championnats du Monde pour que tout le monde soit content. J’espère que ce que nous accomplissons maintenant va faire évoluer les choses.
La voiture de route sera-t-elle basée sur la BT62 ?
On nous a demandé s’il était possible d’en homologuer une et nos ingénieurs y réfl échissent, mais quand nous parlons de voiture de route, nous ne parlons pas de conversion mais d’un vrai modèle de route. Nous pouvons faire des hypothèses, mais nous devons d’abord vendre soixante-dix BT62.
Pourra-t-on l’acheter et la piloter directement ?
Il vous faudra un sérieux entraînement avant de monter dans un de ces engins, alors nous avons développé un programme de pilotage. Je vais m’y impliquer car j’ai beaucoup d’expérience avec les jeunes pilotes.
Ne risquez-vous pas d’avoir trop de casquettes ?
J’aime m’impliquer partout car je veux tout comprendre. Mais ça ne veut pas dire que je ne laisse pas ceux qui savent et qui ont le talent faire leur travail. J’aime savoir ce qui se passe et si j’ai une opinion, je la donne. C’est ce qui est bien avec notre groupe : il y a beaucoup d’échanges et nous discutons beaucoup. La BT62 montre ce dont ce groupe est capable.
Ron Tauranac a apprécié le nom BT (Brabham-Tauranac NDLR)…
Oui. Ce nom montre que nous sommes extrêmement fi ers de notre passé et que nous voulons qu’il soit partie prenante de tout ce qui touche à notre futur. Ce que Ron et Jack ont réussi ensemble dans les années 60 était incroyable : deux Australiens qui ont renversé l’ordre établi en sport automobile et qui sont devenus les plus grands constructeurs de voitures de sport au monde en 3 ou 4 ans. Ils sont notre inspiration : comme eux, nous tentons notre chance.