Même couleur, même V8, même faculté à venir taquiner des GT en performance pure. Mais si Panamera Turbo Sport Turismo et Panamera Turbo S E-Hybrid Sport Turismo sont de parfaites jumelles à bien des égards, les sensations distillées à leur volant difèrent.
Le match commence sur notre balance : 2 179 kg pour la Turbo, contre 2 419 kg pour la Turbo hybride !
Pour identifier la version hybride, il suit de jeter un coup d’œil aux étriers, de couleur flashy sur ce monstre de près de 700 ch !
Avant toute chose, et afin que notre essai ne monopolise pas toutes les pages de ce numéro de Sport Auto, convenons d’un raccourci pratique : la Panamera Turbo Sport Turismo s’appellera « Turbo » et la Panamera Turbo S E-Hybrid Sport Turismo, « E-Hybrid ». Rien qu’à écrire leur appellation officielle, j’en ai mal aux doigts. Et à la tête, mais pour une autre raison, celle des chronos enregistrés au Ceram (nous y reviendrons). Pourquoi faire s’affronter ces deux jumelles ?
Afin de répondre à une question que tout amateur de voiture véloce se pose depuis l’arrivée de l’hybride : une auto plus performante est-elle forcément plus sympa à conduire ? La balance de Mortefontaine voit d’un sale œil arriver les autos. La Turbo pose ses roues de 21 pouces (optionnelles) sur les pads dédiés (capteurs) et l’écran se stabilise à… 2 179 kg ! Plus de la moitié du poids (53 %) est à l’avant. Place à celle dont Porsche revendique une consommation mixte, très utopique, de 3 litres en moyenne.
Le pèse-voiture du Ceram n’a probablement jamais eu à supporter pareille charge : 2 419 kg ! Soit 240 kg d’écart, quasiment tous derrière. L’E-Hybrid est, sur le papier, plus équilibrée, avec une répartition 49-51 %. Nous verrons que la vérité est ailleurs. On quitte les ateliers, direction l’anneau de vitesse. Nous étions venus il y a quelques mois avec la Panamera Turbo normale (pas Sport Turismo), et la Porsche s’était avouée vaincue, en termes d’accélérations, par ses rivales du jour : une Tesla Model S P100D et une Mercedes-AMG E 63S 4Matic+. Entre une Turbo normale et une Turbo Sport Turismo, il y a 78 kg d’écart, surcharge qui explique les chronos légèrement moins bons.
On a bien dit légèrement car, avec une barre des 100 km/h franchie en 3’’5 (soit 0’’3 de moins qu’annoncé par Porsche) et un mille puni en 21’’4 (soit seulement deux dixièmes de plus que pour la Turbo), le panzer a bouffé du lion. Le launch control est ultra-efficace, avec un régime qui se cale sur 5 000 tr/min et une puissance renvoyée davantage à l’arrière. Zéro patinage grâce à la transmission intégrale, une boîte PDK à 8 vitesses qui réagit en un battement de cils et un feulement mécanique qui n’émoustille pas comme dans une américaine (ou une AMG), mais confère un brin de bestialité : avec son surpoids, on voit mal comment l’hybride pourrait impressionner davantage. Erreur !
En mode dragster En attendant de chiffrer la M5, challenger plus que sérieuse au titre de berline la plus performante, c’est la E 63S qui endosse ce rôle avec un 0 à 100 km/h expédié en 3’’4 et un kilomètre D.A. en 20’’7 (la P100D est plus rapide sur les premiers mètres mais s’essouffle ensuite). Enfin, endossait… Au préalable, nous avons pris le temps de remplir la jauge de l’électrique à son maximum, en faisant une dizaine de tours d’anneau à vitesse pépère.
L’ordinateur plafonne à 37 km, loin des presque 50 km annoncés par Porsche. C’est en Sport Plus que la recharge est la plus efficace, ce qui ne nous déplaît pas, ce programme ouvrant les clapets à l’échappement. Les deux autos émettent le même râle. Merci au constructeur de ne pas l’avoir étouffé sur sa version sportivo/écolo. Le départ vous foudroie. Les deux premiers rapports sont conservés moins longtemps que dans la Turbo. Porsche aurait-il peur pour la fiabilité de sa PDK, en raison du surplus de couple apporté par le moteur électrique ?
A lui seul, il développe 41 mkg, mais l’E-Hybrid se contente de 86,6 mkg sur les 119 mkg théoriques (thermique + électrique). Et ces chronos ? Déments. 3’’2 pour taper 100 km/h, 11’’3 pour franchir la doublette et pour attraper 250 km/h, l’E-Hybrid n’a besoin que de 19’’4. Le 1 000 m. D.A. est réglé en 20’’6, soit le temps d’une Audi R8 V10 Spyder, 600 kg plus légère !
Le fleuron « familial » de chez Porsche est donc bien l’ovni auquel on s’attendait. Et comme le V8 donne de la voix, le plaisir est plus marqué que dans une P100D qui vous déride mais sans charisme aucun. Quant aux batteries, elles permettent de répéter ces bons chronos trois fois d’affilée. Ensuite, elles manquent de jus.
2019 Porsche Panamera Turbo interior
TECHNIQUE Panamera Turbo S E-Hybrid
Moteur : V8 biturbo + moteur électrique
Cylindrée : 3 996 cm3
Puissance maxi thermique : 550 ch à 5 750 tr/mn
Couple maxi thermique : 78,5 mkg à 1 960 tr/mn
Puissance maxi électrique : 136 ch
Couple maxi électrique : 40,8 mkg
Puissance cumulée : 680 ch Couple maxi combiné : 86,6 mkg
Transmission : intégrale, 8 rapports robotisés
Poids constructeur/mesuré : 2 325 kg/2 419 kg
Rapport poids/puissance : 3,6 kg/ch
L – l – h : 5 049 – 1 937 – 1 432 mm
Empattement : 2 950 mm
Pneumatiques AV & AR : 275/35 & 325/30 ZR 21
Prix de base/modèle essayé :
191 942 €/233 456 €
PERFORMANCES MESURÉES
V. max. : 310 km/h (annoncée)
0 à 100 km/h : 3’’2 (50 m) 0 à 160 km/h : 7’’3 (200 m)
0 à 200 km/h : 11’’3 (406 m) 0 à 250 km/h : 19’’4 (905 m)
400 m D.A. : 11’’2 (199 km/h) 1 000 m D.A. : 20’’6 (255 km/h)
De 100 à 140 km/h en Drive : 2’’5 (83 m)
Freinage depuis 200 km/h (moyenne) : 150 m/5’’4/1,1 G
TECHNIQUE Panamera Turbo
Moteur : V8 biturbo Cylindrée : 3 996 cm3
Puissance maxi : 550 ch à 5 750 tr/mn
Couple maxi : 78,5 mkg à 1 960 tr/mn
Transmission : intégrale, 8 rapports robotisés
Poids constructeur/mesuré : 2 035 kg/2 179 kg
Rapport poids/puissance : 4 kg/ch
L – l – h : 5 049 – 1 937 – 1 432 mm
Empattement : 2 950 mm
Pneumatiques AV & AR : 275/40 & 315/35 ZR 20 *
Prix de base/modèle essayé :
161 927 €/203 063 €
* Modèle essayé en 275/35 & 325/30 ZR 21
PERFORMANCES MESURÉES
V. max. : 304 km/h (annoncée)
0 à 100 km/h : 3’’5 (55 m) 0 à 160 km/h : 7’’9 (220 m)
0 à 200 km/h : 12’’8 (466 m) 0 à 250 km/h : 22’’8 (1 095 m)
400 m D.A. : 11’’6 (192 km/h) 1 000 m D.A. : 21’’4 (244 km/h)
De 100 à 140 km/h en Drive : 2’’8 (92 m)
Freinage de 200 km/h à 0 : 141 m/5’’3/1,1 G
2019 Porsche Panamera Turbo Sport Turismo
XXL vs King Size Au chapitre des accélérations, et malgré les plus de deux quintaux de surcharge, l’E-Hybrid tient ses promesses et grimpe sur le trône des superfamiliales. Mais comme ses batteries modifient la répartition (au profit de l’arrière), la limousine devrait en outre se montrer plus neutre sur les transferts de charge. C’est peu de le dire. Sur le steering pad, l’E-Hybrid est quasiment imperturbable. Il n’y a guère que l’appel/contre-appel, enchaîné avec un gros coup de gaz, qui permette de transformer le char d’assaut en engin chahuteur.
C’est avec ce référent qu’on prend place à bord de la Turbo. Stable à l’inscription aux freins, elle devient plus marrante au lever de pied. L’arrière plus léger oblige à contrebraquer plus rapidement et, si le renvoi sur le train avant fait fumer les pneus frontaux, c’est bien la poupe qui subit le plus les assauts du V8 biturbo. Bref, la Turbo est presque drôle, pas l’hybride. Et sans surprise, sur le routier du Ceram, la différence est flagrante. Non pas que l’E-Hybrid soit à la peine sur route tortueuse. C’est même tout l’inverse.
L’inscription de l’avant est quasi aussi bonne que dans la Turbo, avec un essieu qui répond rapidement et ne bouge pas de sa trajectoire. Tout juste note-t-on des mouvements de caisse plus marqués sur les appuis longs, malgré une suspension pilotée rigidifiée à son maximum. Nos deux modèles reçoivent les roues arrière directrices (1 800 € sur l’E-Hybrid, 2 064 € sur la Turbo, belle mesquinerie). Sur les premiers virages, il faut s’habituer à cette réactivité de l’arrière mais, au final, on loue l’assistance et la précision de la direction. La chicane du circuit ne leur pose aucun souci de placement, mais la plus svelte des deux est plus stable en courbe et son avant plus accrocheur.
En revanche, la Turbo est davantage sujette à la détente sur la bosse, abordée à près de 160 km/h. L’arrière déleste, là où celui de l’hybride ne bronche pas d’un iota. Les kilos en trop n’ont pas que des défauts. La plus légère des deux se rattrape sur tout le reste du parcours. Avec son arrière qui enroule, ses prises de care précises, son moteur plein comme un œuf et sa boîte de vitesses parfaite, adopter un rythme politiquement incorrect est une seconde nature pour la Turbo. Dans sa jumelle, on ne peut s’empêcher de jouer avec les différents modes dédiés à l’hybride : auto, E-Hold (maintient la charge) ou E-Charge (alimente les batteries en électricité). Qu’une grande berline (5,05 m) se meuve sans aucun bruit est encore inhabituel pour beaucoup.
Pour notre part, nous louons l’hybride lorsqu’il se montre aussi pertinent côté consommation et plaisir de conduite. Mais tant que cette technologie impliquera un surpoids préjudiciable pour le comportement, difficile d’y adhérer totalement. Même si l’écart de prix paraît important, il faut garder à l’esprit que l’E-hybrid n’est pas sujette au malus (10 500 € pour la Turbo) et que son équipement est riche (comme les freins carbone/céramique à 9 000 € ou le PDCC à 4 740 €). Le match est serré…
L’AVISDE SYLVAIN VÉTAUX
Une fois n’est pas coutume, c’est la moins performante qui gagne. La raison : le poids et la précision de conduite. Oui, un engin qui dépasse allègrement les 2 tonnes peut procurer du plaisir et accepter un rythme soutenu. L’E-Hybrid reçoit néanmoins les félicitations du jury pour ses performances surréalistes et sa technologie embarquée.