Lorsque la plus pistarde des Porsche se retrouve sur le tracé moto le plus dangereux du monde, la rencontre ne peut qu’être explosive. Bienvenue sur l’île de Man, à bord de la GT3 RS, une voiture qui pousse le curseur de la précision encore plus loin que dans la GT2 du même nom.
Aucune voiture de série n’est comparable à la GT3 RS. Diicile d’imaginer meilleure monture pour arpenter l’île de Man.
L’aérodynamique joue un rôle primordial. Qu’il s’agisse d’accroître la capacité de refroidissement des freins ou d’augmenter l’appui, et ainsi garantir la stabilité à haute vitesse.
Je ne suis pas motard et ne l’ai jamais été. Trop d’amis et membres de ma famille, dont la vie a basculé, ont dû se séparer de ce genre d’engins. Mon père était un biker invétéré qui a évité les blessures par d’excellents rélexes. A trois reprises, il s’est sauvé lui-même en s’éjectant sufisamment tôt de sa monture. Hélas, je ne possède pas ce don. En revanche, j’aime beaucoup regarder les courses de moto en général, celle sur l’île de Man en particulier.
Même sur YouTube, le tracé de l’IOMTT [Isle of Man Tourist Trophy, N.D.L.R.] relègue n’importe quel circuit de formule 1 moderne au rang de terrain de jeu pour minots. Le parcours qui relie Douglas à Peel avant de remonter vers Kirk Michael, puis Ramsey, pour revenir au point de départ par la montagne, est certainement le plus redouté de l’univers des sports mécaniques. Il y a deux ans, j’ai voulu m’en rendre compte par moi-même. La première monture que j’ai aperçue était celle de John McGuinness qui virait à droite en bas de Bray Hill, à 270 km/h.
Et ce qui m’a profondément marqué, c’est qu’il n’essayait pas de maintenir un équilibre quelconque entre survirage et sous-virage, ce qui aurait été trop banal, mais entre la vie et la mort. Sur un autre tronçon du circuit, la distance entre mes pieds et les pilotes lancés à 290 km/h était tout au plus de l’ordre de quelques centimètres.
Les images et les sons étaient d’une violence inouïe. Deux pilotes ont trouvé la mort ce jour-là, peu après être passés devant mon poste d’observation sur la ligne droite de Cronk-y-Voddy. S’il est une chose à éviter au moment du Tourist Trophy, c’est bien d’aller faire un tour en voiture :
Cette Porsche ne marque aucune tendance au sur ou au sous-virage. Elle se contente de virer de cap, comme si la courbe n’existait pas.
Radicale, la GT3 RS est conçue pour évoluer sur circuit, mais sa (relative) polyvalence autorise également les longs déplacements… qui prennent une saveur toute particulière à son volant.
l’île est envahie par des milliers de motards, et il serait irresponsable, pour ne pas dire criminel, d’essayer de rouler vite, ce qui est terriblement dommage, étant donné que l’île de Man est le seul endroit que je connaisse où il n’y a pas de limitations de vitesse sur les routes de campagne, hors agglomération.
Hors-la-loi en toute légalité Mais lorsque tout est calme, quel effet cela ferait de s’élancer à vive allure dans une voiture digne de ce nom ? Pour répondre à cette question, j’ai pu prendre possession de la nouvelle GT3 RS. Mais il restait quelques obstacles à surmonter, et non des moindres. Même si la règle ici-bas veut qu’en l’absence d’indication, il n’y a pas de limitation de vitesse, toute conduite dangereuse est encore (et heureusement) répréhensible.
Mais si la route est libre, que la visibilité est bonne, que la voiture l’est tout autant et que vous en êtes capable, il est possible de rouler vite. Vraiment vite. Bien que je puisse, en théorie, m’exprimer en toute liberté sur la façon dont j’ai conduit la GT3 RS ce jour-là, mes doigts tremblent devant le clavier. Dificile de se débarrasser de ses vieilles habitudes…
Il y a de la folie dans la GT3 RS, bien plus que dans n’importe quelle autre Porsche, et cela n’a aucun rapport avec son niveau de puissance.
Le plus étonnant est que lorsque vous êtes confronté à une route de classe mondiale, vierge de tout traic ou de limitation de vitesse, vous hésitez néanmoins à lâcher les chevaux. Il faut un peu de temps pour s’habituer à ce cadre législatif inhabituel et apprécier la marge entre ce qu’exigerait le code de la route et l’excès de vitesse sécurisé.
Cela vous paraît terne ? Pas quand vous êtes au volant de la GT3 RS. Quelle machine ! A vrai dire, la GT3 me semble être une routière plus évoluée et franchement meilleure que celle-ci, et pas seulement parce qu’elle est proposée avec trois pédales.
Pour trouver un terrain de jeu à la hauteur des performances de la GT3 RS, il fallait voir les choses en grand. L’île de Man et sa vitesse illimitée sur les routes hors agglomération coulait de source!
Elle possède aussi une suspension qui la rend confortable, et se montre plus tolérante à l’égard des creux et des bosses qui pavent notre chemin. Autant de qualités qui seraient appréciables, voire préférables sur n’importe quelle autre route, car la RS est d’abord une voiture conçue pour les circuits (à suspensions réglables) et, en dernier ressort, pour la route.
Mais l’île de Man regorge d’endroits qui igurent depuis longtemps dans l’anthologie des sports mécaniques. Ici, les pilotes les plus fous maîtrisent les engins les plus incroyables.
Seule la voiture la plus extraordinaire était donc susceptible de faire l’affaire. Croyez-moi, il y a de la folie dans la GT3 RS, bien plus que dans n’importe quel autre véhicule portant le même badge, et cela n’a aucun rapport avec les 20 ch ajoutés pour atteindre 520 ch.
TECHNIQUE
Moteur : flat-6, injection directe
Cylindrée : 3 996 cm3
Puissance maxi : 520 ch à 8 250 tr/mn
Couple maxi : 47,9 mkg à 6 000 tr/mn
Régime maxi : 9 000 tr/mn
Transmission : aux roues AR, 7 rapports robotisés
Antipatinage/autobloquant : de série/de série piloté
Poids constructeur : 1 430 kg
Rapport poids/puissance : 2,75 kg/ch
L – l – h : 4 557 – 1 880 – 1 297 mm
Empattement : 2 453 mm Voies AV/AR : 1 588/1 557 mm
Pneus AV & AR : 265/35 ZR 20 & 325/30 ZR 21
Carburant : 64 l (90 l en option)
Prix de base/modèle essayé : 198 335 €/220 343 €
PERFORMANCES ANNONCÉES
V. max. : 312 km/h 0 à 100 km/h : 3’’2
0 à 160 km/h : 6’’9 0 à 200 km/h : 10’’6
2019 Porsche 911 GT3 RS rear bumper
En réalité, il s’agit d’une GT2 RS atmosphérique, comme en témoigne la raideur de la suspension avant, qui a doublé par rapport à celle de l’ancienne mouture. Loin de nous l’intention de faire un tour complet du circuit, car la circulation est dense à Douglas et certains tronçons sont fermés étant donné que l’île se prépare à accueillir sa plus grande manifestation de l’année.
Prenez la Nordschleife. Imaginez maintenant qu’on la gonle jusqu’à ce que sa distance initiale de 22 km atteigne 59 km, transformant tous ces virages prévus pour une vitesse moyenne en courbes à haute vitesse, voire à très haute vitesse. Imaginez ensuite qu’on la pose sur et autour d’un massif ayant ses propres microclimats, et que l’on pimente le tout avec des variations de revêtement et de relief de la route, d’innombrables cols sans visibilité, sans parler des kilomètres de trottoirs, du mobilier urbain et autres dangers mortels potentiels pour les conducteurs qui cherchent à rouler le plus vite possible.
Je me rappelle avoir examiné l’habillage ixé à la base d’un feu tricolore et m’être demandé pourquoi il semblait à peine plus souple que le poteau en acier auquel il était attaché. « Ah !, s’exclama mon copilote, l’erreur est de penser qu’il est là pour protéger l’usager. Pas du tout. Il est là pour le poteau. »
Savoir se raisonner
Ce qui est certain, c’est que je n’ai jamais conduit sur un parcours aussi dificile et le fait qu’on puisse s’y aventurer à moto à tombeau ouvert dépasse encore mon entendement. Même au volant d’une GT3 RS, l’expérience reste surréaliste, une impression ampliiée par le fait qu’au début, du moins, j’ai du mal à savoir qui est le patron.
Avec les pneus Dunlop Sport Maxx Race 2 encore froids, elle est d’abord tourmentée, puis brièvement hallucinante au fur et à mesure qu’ils chauffent, avant de devenir momentanément terriiante à la suite d’une averse soudaine. Mais inalement, j’ai trouvé ce que j’étais venu chercher : des kilomètres et des kilomètres de routes libres et désertes. Il faut savourer ces instants où les étoiles s’alignent et se rappeler que l’on est à bord de la meilleure des ines lames Porsche.
De cet essai, je garde en tête une impression de lou, un vague sentiment d’incrédulité devant la tempête acoustique et la puissance sonore de ce moteur et une certaine perplexité face au degré d’adhérence. Mais il faut maîtriser ses ardeurs et le bon sens vient parfois à manquer à bord d’un engin aussi abouti et démonstratif.
La GT3 RS est très rapide. Pourtant, son potentiel d’accélération est peut-être son aspect le moins impressionnant. D’accord, il ne faut que 3’’2 pour franchir les 100 km/h mais les freins et l’adhérence sont encore plus époustoulants. A grande vitesse, le bolide fait preuve d’un comportement phénoménal.
Comme lorsque nous abordons, un peu vite, un virage situé en haut d’une côte. Aucun effet de plongée ou de cabrage, aucun roulis perceptible ni embardée quelconque à l’avant ou à l’arrière. A moins de brusquer l’accélérateur dans les virages lents, la voiture ne marque aucune tendance au sur ou au sous-virage. Elle se contente de virer de cap, comme si la courbe n’existait pas.
Plus vite qu’une 918
C’est précisément ce qui vous incite à la pousser encore davantage. Après tout, les réactions de l’atmosphérique sont plus faciles à cerner que celles des moteurs turbo. Et puis il y a des garde-fous. Il est possible, pour les courageux, de couper l’ESP. Pour les téméraires, le contrôle de traction, dissocié, peut aussi être éteint. Et dans ce cas, même si la fougue du 4 litres n’est pas comparable aux uppercuts assénés par le bloc de la GT2 RS, il reste concentré. RS ou pas, la GT3 reste une 911, avec son moteur en sac à dos.
Contrairement à la GT3 qui laisse le choix, dans la RS, c’est PDK d’ofice. On ne s’en plaint pas car l’étagement pas trop long permet de véritablement utiliser les 7 vitesses. Zéro limitation de vitesse ne veut pas dire zéro risque. Aussi, lorsque j’ai atteint le point où j’ai failli me fâcher avec moi-même, je me suis forcé à ignorer la voiture qui me conjurait d’accélérer encore et j’ai rebroussé chemin. En route vers l’aéroport de Ronaldsway, balancé par les cahots de la chaussée, je me suis surpris à penser à quel point l’existence même de ce véhicule me semblait extraordinaire.
Cette voiture est l’une des plus extrêmes qui aient jamais été construites, tant par son caractère que par ses capacités, et cependant, elle n’est pas le fruit d’un inventeur ou d’un entrepreneur fou, mais bien le produit de l’une des plus grandes entreprises automobiles au monde. Aucune voiture de série n’est comparable. La preuve : elle réalise un meilleur temps au tour sur le circuit du Nürburgring que la 918 Spyder qui a pourtant été calibrée pour cela. Dificile d’imaginer une meilleure monture pour arpenter l’île de Man.
La GT3 RS est très rapide. Mais ce n’est pas son accélération qui impressionne le plus. Ses freins et son niveau d’adhérence sont encore plus époustouflants.