L’acier, la fonte ? Très peu pour elles : à grand renfort d’alu ou de carbone, nos deux rivales battent des records de légèreté pour toiser des sportives bien plus puissantes. Mais si l’Alpine A110 est un poids plume, l’Alfa Romeo 4C est un poids mouche… Alors, quelle est la meilleure ballerine
Diffi cile de priver de victoire cette si attachante Alfa Romeo4C : sublime à regarder, fascinante à écouter, exigeante à piloter, elle fait partie de cette rare caste de sportives qui effacent leurs défauts d’un simple regard, d’une seule accélération. Mais puisqu’il a fallu trancher, c’est bien l’AlpineA110 qui décroche la timbale. Dynamique mais confortable, jolie mais pas incommode, performante mais sobre en carburant, elle présente une polyvalence rare voire unique sur ce créneau des sportives légères.
Reste un frustrant défaut, susceptible de détourner ses impatients admirateurs : des délais de livraison décourageants, frisant aujourd’hui les 18mois. On peut venir aider, à l’usine ?
En mode de conduite Track, l’antidérapage de l’Alpine A110 tolère de beaux angles de dérive. Pas celui de l’Alfa, même en mode Dynamic, mais les deux restent entièrement déconnectables.
PORTRAIT Bras d’honneur
Les routes secondaires ne défi lent plus qu’à 80 km/h, le litre de sans-plomb frise les 2 €, le malus écologique frappe de sages familiales, mais aujourd’hui nous affi chons un sourire idiot. Parce qu’en partageant le culte de la légèreté, les Alpine A110 et Alfa Romeo 4C adressent un formidable bras d’honneur à ce triste constat. Grâce à leur conception, un cercle vertueux s’enclenche : un poids contenu n’exige ni gros et gourmand moteur, ni immenses roues, ni freins surdimensionnés… servant à leur tour cette noble quête du gramme, la richesse des sensations et la sobriété en carburant.
Loin d’appartenir à une espèce surannée, nos deux protagonistes n’ont, en fait, jamais été aussi à la mode. Pour faire renaître un coupé à roues arrière motrices, Alpine aurait pu puiser sa plateforme chez Nissan, voire Infi niti. Il eut une meilleure idée. Hormis le moteur, la boîte EDC à double embrayage et d’insignifi ants morceaux de plastique (commodos et molette de clim’ de Clio), tout est inédit : coque, carrosserie, trains à double triangulation.
Et l’heureuse occasion de les mouler en aluminium. Le poids annoncé se limite ainsi à 1 080 kg pour l’A110 de base, et offre à son moteur de 252 ch des performances équivalentes à celles d’un Porsche 718 Cayman plus puissant de 48 ch, mais aussi plus lourd de 300 kg ! Si l’A110 est fl uette, la 4C est… aérienne. Son secret ? Une coque en fi bre de carbone plutôt qu’en alu, et un gabarit qui ferait passer la française pour un SUV : 3,99 m de long et 1,18 m de haut pour l’Alfa, 4,18 m et 1,24 m pour l’Alpine.
L’écart de poids s’explique aussi par le traitement de l’habitacle, encore plus dépouillé, et l’abandon pur et simple de l’assistance de direction. À l’arrivée : un poids encore inférieur d’une centaine de kilos par rapport à l’Alpine (895 kg, mais à sec, c’est-à-dire sans aucun fl uide…), et une allure qui dévisse davantage les regards. Mais cela ne suffi ra pas pour séduire les amateurs de pilotage… Alors, en route !
À CONDUIRE Le sport sans fi ltre…
Acte I : sur route. Notre essai démarre en Alfa 4C, que nous n’avions pas chevauchée depuis 2013 mais dont le caractère est resté… intact. Encore libérée par sa ligne d’échappement Akrapovic optionnelle, l’Alfa 4C transforme chaque accélération en spectacle : elle grommelle, gronde, siffl e, souffl e, comme si le turbo s’activait juste derrière l’oreille gauche et le silencieux d’échappement, juste sous les fesses.
Dès 2 500 tr/min, le 1.7 turbo 240 ch semble asséner une pichenette à cette légère coque de noix, qui détale comme un lévrier sur les premiers rapports puis s’assagit dès la 4e, point de départ d’un étagement de boîte qui s’allonge. Pas un drame étant donné la tenue de cap, aléatoire au-delà de 110 km/h si la route n’est pas parfaitement plane. Le passage dans l’Alpine A110 équivaut, une nouvelle fois, à sauter dans un confortable SUV.
Les sièges moelleux enveloppent le corps, le doux ronron du moteur donne l’impression d’avoir des bouchons d’oreille, et la direction apparaît si légère, en comparaison, que le volant ne semble plus raccordé à la colonne. Les premiers virages rassurent même si, avec son moteur moins fort en couple et ses mouvements de caisse plus amples sur mauvaise route, l’Alpine A110 semble moins sportive de prime abord. Du moins, avant d’avoir enclenché le mode Sport qui libère les valves d’échappement, réduit l’assistance de direction, et hâte la vitesse des passages de rapports.
Timbrb rauqub, turbo « siffl bur » : la lignb d’échappbmbnt Akrapovic décuplb la sonorité du 1.7 turbo db 240 ch db l’Alfa, très bn vbrvb à bas régimbs.
Acte II : sur circuit. Indolente à doux rythme, l’A110 révèle sa personnalité en mode « attaque » : son 1.8 TCe reprend des couleurs une fois sollicité, et compense son léger manque de coffre à bas régime par une hargne supérieure jusqu’à la zone rouge (la 4C s’essouffle au-delà de 6 000 tr/min). Un tempérament idéal sur circuit, accompagnant d’autres avantages par rapport à l’Alfa : la boîte EDC se montre légèrement plus prompte que la TCT à la montée des rapports, et finit par les descendre même si le conducteur a tiré la palette gauche trop tôt au freinage.
Puissant et endurant dans les deux cas, ce dernier se montre toutefois plus facile à doser en Alpine.
Caractère différent pour le 1.8 turbo de 252 ch de l’Alpine, moins « coupleux » à bas régimes mais plus à l’aise près de la zone rouge.
Quant au châssis, il confirme la plaisante orientation de l’A110, davantage axée sur le plaisir de conduire que l’effi cacité absolue. En entrée d’épingle, dont le circuit de la Ferté-Gaucher est truffé, l’Alpine engage d’abord son moelleux train avant, puis pivote autour de son axe dans une posture de survirage aussi jouissive qu’effi cace. Il suffi t alors de réaccélérer progressivement, pour entretenir cette légère dérive sans que la roue intérieure ne patine malgré l’absence d’autobloquant. En face, la 4C ne garantit pas les mêmes facéties.
L’effi cacité du train avant n’est pas inférieure, mais l’arrière, plus verrouillé, empêche l’Alfa d’enrouler les épingles sur ce tracé plutôt serré. Et quand elle décroche, antidérapage débranché, la dérive survient plus brutalement, peu aidée par l’empattement court et le fort rappel de la direction non assistée.
3 Plus moderne et raffiné, l’habitacle de l’A110 est surtout plus confortable au quotidien. Les sièges Sabelt allient joli moelleux et excellent maintien en virages.
4 L’Alpine dispose d’un GPS à écran tactile et commande vocale. Pas l’Alfa.
Moteur turbo à quatre cylindres en position centrale arrière, boîte robotisée à double embrayage, pas d’autobloquant mécanique : les Alpine A110 et Alfa Romeo 4C restent techniquement proches.
1 2 L’Alpine dispose de deux coff res, un à l’avant de 100 l et l’autre à l’arrière de 96 l.
3 La contenance de celui de l’Alfa 4C est de 110 l.
À VIVRE Une A110 plus moderne
Au quotidien, l’Alfa Romeo s’avère bien plus contraignante que l’Alpine. Citons en vrac l’accès à bord compliqué, la sortie de l’habitacle réservée aux gymnastes et la quasi-impossibilité de tourner le volant quand la voiture est à l’arrêt. Sans oublier la garde au sol ridicule, qui transforme chaque dos-d’âne en rappe-bouclier, ou l’équipement de série ramenant 15 ans en arrière : de série ou en option gratuite, s’invitent une clim’ manuelle (chic !), un régulateur de vitesse (grand luxe !) et, comble du raffi nement, un sublime autoradio (de marque…
Alpine) à façade détachable et compatible Bluetooth, s’il vous plaît ! Sur ces sujets, voilà de sacrées différences avec l’A110, qui confi ne au SUV moderne (décidément…) : navigation GPS à écran tactile, clim’ auto, clé mains libres. Et un unique mais vaste vide-poches sous l’accoudoir, bienvenu quand, dans l’Alfa 4C, les seuls rangements demeurent vos propres poches.
À ACHETER Alfa 4C, le prix de l’exclusivité
Lancée fin 2013 au prix de 51 500 €, l’Alfa Romeo 4C a augmenté bien plus vite que l’infl ation : 63 200 € pour la version de base en 2018, voire 67 500 € pour notre 4C d’essai Edizione Speciale qui intègre de série des éléments en carbone (bouches d’aération, console centrale, prise d’air extérieure gauche), un habillage en cuir des sièges et de la planche de bord, le pack Sport et la fameuse ligne d’échappement Akrapovic.
Facturée 58 500 € dans sa série de lancement Première Edition ici photographiée, l’Alpine A110 démarre dès 54 700 € en niveau Pure. Cette nouvelle fi nition exige certes l’échappement Sport, les freins majorés et les jantes de 18 pouces en option, mais vient d’offi ce avec les excellents sièges baquets Sabelt, la navigation GPS et la clef mains libres. La différence de prix s’accroît encore à l’immatriculation, avec un malus limité à 860 € sur l’ A110, contre 3 473 € sur l’Alfa 4C.
À l’arrivée : près de 11 000 € d’écart en défaveur de l’italienne, voire davantage en égalisant les équipements, ou en se laissant tenter par ce sublime Rouge Competizione à 2 950 €. Cette approche rationnelle infl uera toutefois peu sur le résultat de ce comparatif, qui oppose deux autos « coup de cœur » dont l’achat répond à bien d’autres critères…