Apparue en 1953, l’Opel Olympia Rekord ne cessera d’évoluer, la marque “pas encore à l’éclair” (celui-ci n’apparaîtra que fin 1960) allant jusqu’à proposer des nouvelles versions tous les deux ans. L’auto que nous vous présentons ici est l’une des dernières P1 produites, puisque quelques semaines après sa mise en circulation, une version P2 fera son entrée. L’occasion de retracer l’histoire de ce modèle emblématique devenu aujourd’hui un véritable collector.
THEORIE DE L’EVOLUTION
Pas très puissant mais doté d’un couple intéressant, le 1 680 cm3 propulse la Rekord à un petit 130 km/h chrono.
L’a c rise de 1929 ayant plongé l’Allemagne dans d’énormes difficultés, la famille Opel a dû se résoudre à trouver un repreneur capable d’assurer l’avenir de sa marque. Ironie de l’histoire, surtout si l’on se réfère à ce qui se passera une dizaine d’années plus tard, c’est de Détroit, aux Etats-Unis, que viendra leur salut. En effet, en 1930, la puissante General Motors devient propriétaire d’Opel et relance la production massive de véhicules par un programme de modernisation cher au géant américain.
Dès l’après-guerre, les codes esthétiques des autos d’outre-Atlantique seront appliqués à toutes les Opel. Il faut dire que depuis des années, le constructeur s’appuie sur des modèles dont les carrosseries ont bien vieilli : l’Olympia, dérivée des avant-guerres, et la Käpitan, une berline plus haut de gamme dotée d’un 6 cylindres en ligne. Les ingénieurs de Rüsselsheim sont donc sommés par les Américains de trouver une succession digne de ce nom à des autos qui peinent à se faire une place sur un marché tumultueux.
Côté inspiration, ils n’iront pas chercher bien loin puisqu’ils reprendront le design de modèles vendus par la maison mère aux USA. Ainsi, en 1953, Opel dévoile, au Salon de Francfort, une toute nouvelle voiture : l’Olympia Rekord. Cette petite berline deux portes arbore des lignes rondouillardes évoquant une Chevrolet Bel Air en réduction et sa calandre n’est pas sans rappeler celle de “notre” Ford Vedette. Sous son capot, le 1 488 cm3 des précédentes versions voit sa puissance passer à 51 ch SAE à 4 400 tr/mn.
Accolé à une boîte trois vitesses (à 1re non synchronisée), il offre à la dernière -née un agrément de conduite certain, sans en faire un foudre de guerre. Une superbe variante découvrable et un break baptisé Caravan sont également au catalogue. A l’intérieur, le tableau de bord au dessin très moderne se distingue par un compteur de vitesse en demi-fer à cheval et par la présence, sur la porte de boîte à gants, d’une montre type “huit jours”.
Dans un rythme de renouvellement tout américain (rappelons qu’à cette époque, les modèles des “majors” US changent tous les ans), dès septembre 1955, la Rekord Olympia subit ses premières modifications : calandre grillagée, cabochons de clignotants blancs, feux AR encastrés et pare-chocs sans butoirs. Il faut croire que GM n’a pas été satisfait, car dès juillet 1956 (oui, oui, à peine dix mois plus tard…), une deuxième mouture apparaît : nouveau remaniement de calandre (grille plus large à bandes verticales et une baguette horizontale), feux AR encore modifiés et ailes AV désormais prolongées par une petite visière au-dessus des phares. Ainsi “parée”, l’Olympia Rekord tiendra… à peine plus d’un an ! En septembre 1957, Opel change tout.
A l’arrière, on remarque surtout que l’orifice de remplissage du réservoir manque un peu de sobriété.
A commencer par la dénomination, puisque l’auto s’appelle désormais Rekord P1, le “P” signifiant “Panoramique”, clin d’œil à l’ensemble parebrise et lunette AR à montants inversés offrant une visibilité maximale et un style toujours plus… américain. Mais la grosse nouveauté est l’adoption d’une boîte de vitesses dont les trois rapports sont désormais synchronisés. Plus basse que sa devancière, pourvue de suspensions plus fermes, celle qui sera vendue sous l’appellation Olympia Rekord (vous suivez ?) affiche également un comportement beaucoup plus sécurisant, notamment sur mauvais revêtement, talon d’Achille de l’ancien modèle.
Côté habitacle, tout est également inédit : la planche de bord, entièrement repensée, accueille un compteur horizontal plus “commun” et la montre retrouve une position elle aussi plus classique, à gauche du combiné d’instruments, dans un joli alignement de trois cadrans ronds (montre donc, jauge à essence et température d’eau). Dans le même temps, un ensemble de commandes fait son apparition sous le tableau : allume-cigares, ouverture du capot moteur, contact et essuie-glaces, ces derniers hélas toujours tributaires du régime moteur puisqu’ils sont encore actionnés par une prise de force en bout d’arbre à cames.
Parallèlement à la version 1 500 cm3, une 1 200 cm3 (en fait un moteur 1 488 cm3 dont l’alésage a été réduit de 80 à 72 mm), commercialisée sous le nom d’Olympia, vient faire office d’entrée de gamme. En 1958, la voiture est enfin disponible en déclinaison quatre portes et en break Caravan. En septembre 1959, nouveau remaniement : l’Olympia Rekord et l’Olympia deviennent respectivement Opel Rekord et Opel 1200.
La Rekord peut bénéficier, en option, d’un bloc 1 680 cm3 (l’alésage du 1 488 a été augmenté de 80 à 85 mm), en même temps que débarque enfin une version quatre portes. Plusieurs améliorations incluant le tableau de bord rembourré, le blocage de démarrage et les essuie-glaces électriques font partie de la nouvelle dotation. C’est précisément cette variante qui est illustrée ici.
La planche de bord est juste superbe. On reconnaît la dernière version de la P1 au rembourrage sur le dessus du tableau. Notez le monogramme “Olympia”, alors que l’auto ne s’appelle plus comme ça.
UNE PREMIERE MAIN D’EXCEPTION
Passionné par l’histoire et la culture des Vikings, collectionneur de juke-box, plaques émaillées et autres anciennes pompes à essence, Tony Claeys est un personnage charismatique également fin connaisseur en automobiles. Et il les affectionne particulièrement depuis toujours : jeune garçon, il rêvait déjà du métier de garagiste… A tel point qu’il s’est spécialisé, lors de ses années d’études, en mécanique et en carrosserie dans des établissements réputés à Menin et Courtrai, en Flandre-Occidentale.
Il débute avec une Opel Manta de 1980 qu’il refait entièrement à neuf, il n’a alors que 22 ans ! Tony est un artiste, rien n’est laissé au hasard : l’auto est intégralement démontée, les pièces usées sont remplacées par des références d’origine, le châssis est mis à nu et la carrosserie restaurée dans les règles de l’art avant mise en peinture et remontage. Il ne roulera cependant qu’une seule fois avec cette magnifique voiture qu’il revendra très rapidement. Il fait ensuite l’acquisition d’une Triumph Spitfire de 1980 dont il devra malheureusement se séparer prématurément en pièces détachées… Puis c’est une Matra Murena de 1981 qu’il rénovera à la perfection avant de la céder à son tour.
Tony, qui aime particulièrement les Golden Fifties américaines et rêve depuis longtemps déjà de posséder une Chevrolet Bel Air, pense désormais à un achat plus pérenne. Mais les jolies américaines des années 1950 sont plutôt volumineuses pour nos garages aux dimensions européennes, et notre collectionneur oriente alors ses recherches vers une séduisante Opel Rekord ou Ford 17M des années 50-60 reprenant les codes esthétiques typiques des belles autos d’outre-Atlantique : pare-brise panoramique, chromes, calandre expressive, ailes arrière pointues et bonnes performances mécaniques… Tony déniche alors une Opel Rekord Coupé à vendre à Koksijde, sur la côte belge.
Il organise rapidement un rendez-vous avec le propriétaire, mais après une visite détaillée du véhicule, il se rend compte que l’état très moyen de la carrosserie nécessite beaucoup de travail. Il décide alors de se rapprocher du club Opel de Belgique, le fameux “Old Opel Veteran Club” basé à Genk, et entre en contact avec un certain Frans Weedaege, un senior passionné et ancien garagiste concessionnaire de la marque vivant à Heestert. Ce dernier, qui a conservé son établissement, possède de nombreuses automobiles et pièces d’époque…
Les deux hommes se lient d’amitié et Frans invite Tony à venir voir ses voitures. C’est là que notre sympathique collectionneur tombe littéralement en émoi devant le magnifique exemplaire présenté dans ce reportage : l’auto affiche encore sa splendide robe noire d’origine à peine patinée (!) et seulement 66 000 km au compteur… C’est une première main et Frans l’a stockée durant les dernières 25 années dans son hangar, réalisant un entretien soigné et faisant tourner régulièrement sa mécanique.
Bien que la voiture ne soit pas à vendre, devant l’engouement de notre jeune passionné, Frans accepte de la lui rétrocéder. La transaction se fait alors en septembre 2014, et Tony revient avec sa nouvelle acquisition par la route, preuve de la fiabilité de l’entretien prodigué par Frans à la belle berline durant toutes ces années. Tony reconnaît qu’à ses débuts, il aurait plutôt privilégié une version coupé, mais aujourd’hui, il préfère largement ce rarissime exemplaire à quatre portes, de surcroît dans un jus exceptionnel… Et il a eu raison de sauter sur l’occasion lorsque l’on sait que cette déclinaison a été produite durant la seule année 1960 et que les unités rescapées ne sont vraiment pas monnaie courante !
Cela peut surprendre, mais la version quatre portes est aujourd’hui l’une des plus rares.
PASSEPORT TECHNIQUE OPEL REKORD QUATRE PORTES
MOTEUR
4 cylindres en ligne disposé en position longitudinale avant, distribution par arbre à cames latéral, culbuteurs, soupapes en tête ■ Cylindrée : 1 680 cm3 ■ Alésage x course : 85 x 74 mm ■ Puissance maxi : 55 ch à 4 000 tr/mn ■ Couple maxi : 12 mkg à 2 100 tr/mn ■ Taux de compression : 7,25:1 ■ Alimentation : un carburateur inversé 30 mm ■ Allumage : par batterie 6 V 84 Ah, dynamo ■ Refroidissement : liquide par pompe et thermostat.
TRANSMISSION
Roues AR motrices ■ Embrayage : monodisque à sec, commande mécanique ■ Boîte de vitesses : manuelle trois rapports synchronisés + MAR (boîte semi-automatique Olymat en option), levier au volant ■ Rapports de boîte : 1re : 12,62 – 2e : 6,56 – 3e : 3,90 – MAR : 13,52 ■ Rapport de pont : 3,9 à 1.
STRUCTURE
Berline 4 portes/5 places, coque autoporteuse en tôles d’acier ■ Suspension AV : roues indépendantes, double triangles, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs hydrauliques ■ Suspension AR : essieu rigide, ressorts à lames semi-elliptiques, amortisseurs hydrauliques ■ Jantes : 4J x 13 ■ Pneumatiques : 5,90 x 13 sans chambre ■ Freins : tambours AV/AR ■ Frein à main : mécanique sur les roues AR ■ Direction : à vis et galet ■ Diamètre de braquage : 10,60 m ■ Dimensions (L x l x h) : 4,433 x 1,616 x 1,490 m ■ Empattement : 2,541 m ■ Voies AV/AR : 1,266/1,274 m ■ Poids à vide : 975 kg.
PERFORMANCES
Vitesse maxi : 132 km/h ■ Accélérations : 20,2 s (0 à 100 km/h) ■ Consommation : 9 l/100 km.
PRODUCTION
Juillet 1957 et août 1960 : 884 000 unités environ (toutes versions Olympia Rekord P1 confondues : 1200, 1500, 1700, berlines quatre portes, coupés et breaks Caravan) ■ Numéro de châssis : CA-161442353 ■ Coloris : Schwarz 111 B ■ Date de la première immatriculation : 4 août 1960 ■ Prix de vente en 1960 : 7 110 DM ■ Puissance fiscale : 9 CV.
COTATION
Une belle Opel Rekord 1 700 cm3 quatre portes comme celle de Tony se fait rarissime de nos jours. Un coupé en très bon état ne se trouvant pas à moins de 7 000 euros, on peut imaginer que sa cote avoisine les 10 000 euros. Encore faut-il en trouver une.